Lancé pour accompagner la suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales, le service numérique « Gérer mes biens immobiliers » devait simplifier la déclaration des biens immobiliers des propriétaires. Mais entre erreurs massives, retards et incompréhension généralisée, il s’est transformé en un échec cuisant pour l’administration fiscale. Un rapport de la Cour des comptes révèle que ce dispositif a engendré une perte de 1,3 milliard d’euros pour l’État et un surcoût exponentiel. Retour sur les multiples dysfonctionnements d’un outil qui devait fluidifier la gestion foncière, mais qui a plongé des milliers de contribuables dans la confusion.
Imposé aux propriétaires, ce service dématérialisé a été mal conçu pour une population souvent âgée, peu habituée aux outils numériques. De nombreuses erreurs de déclaration ont conduit à des milliers d’impositions injustifiées, générant un afflux massif de réclamations et mettant sous tension les services fiscaux. Entre reports successifs et corrections tardives, ce fiasco questionne la gestion des outils numériques par l’administration.
Un projet numérique mal anticipé et mal exécuté
Des erreurs de conception et un manque d’anticipation
Déployé en 2023 après cinq ans de développement, « Gérer mes biens immobiliers » devait permettre aux propriétaires de déclarer l’occupation de leurs biens en toute simplicité. Pourtant, la réalité a été tout autre. Le choix d’un système 100 % dématérialisé s’est avéré inadapté pour une population vieillissante peu familiarisée avec les outils numériques.
Par ailleurs, certaines situations spécifiques, comme celles des multipropriétaires ou des bailleurs sociaux, ont été mal prises en compte. Ainsi, 3 400 contribuables possédant plus de 200 biens ont rencontré d’importants problèmes pour effectuer leurs déclarations, ce qui a contribué aux retards et aux erreurs de taxation. La confusion a été amplifiée par un manque criant de communication de la part de la Direction générale des finances publiques (DGFiP), laissant de nombreux propriétaires dans l’incertitude.
Un impact financier désastreux pour l’État
À l’issue de la première campagne déclarative, seuls 54,1 millions des 71,4 millions de locaux avaient été recensés. Cette lacune a fragilisé l’établissement des taxes, entraînant des erreurs massives. Plus d’un million de contribuables ont été imposés à tort sur la taxe d’habitation ou la taxe sur les logements vacants, conduisant à des dégrèvements massifs estimés à 1,3 milliard d’euros.
Le budget initialement prévu pour la mise en place du service a explosé, passant de 12,7 millions d’euros à 37,2 millions d’euros, en grande partie à cause du recours intensif à des prestataires externes. Face à la crise générée par ce dysfonctionnement, des mesures d’urgence ont dû être prises, recrutant vacataires et contractuels et octroyant une « prime Gérer mes biens immobiliers » aux agents fiscaux, portant la facture finale à 56,4 millions d’euros.